" Rarement préhistoire
fut plus profondément truquée, plus durablement altérée que celle de cet
enfant qui naît le 3 octobre 1897 à Paris XVIe. Il s'appelle Louis Aragon.
Ce n'est le nom de personne des siens. Ce nom contient un certain code
qu'il ne déchiffrera que beaucoup plus tard " écrit Pierre Daix
(Aragon, une vie à changer). Aragon est l'enfant naturel d'une
jeune femme de 24 ans, Marguerite Toucas et d'un homme de 57 ans qui a une
famille et une situation officielle, Louis Andrieux, ancien préfet de
police et député des Basses-Alpes depuis 1885. Celui-ci, opposant sous le
Second Empire, lié à Gambetta, avait été nommé procureur de la République
du Rhône à la chute de l'Empereur ; républicain modéré, il avait joué un
rôle dans la répression de la Commune de Lyon en avril 1871 ; élu député
de Lyon en 1876, préfet de police à Paris de 1879 à 1882, son nom demeure
lié à l'expulsion des congrégations en 1880. Tuteur de l'enfant, il lui
choisit son nom (en souvenir du temps où il avait été ambassadeur en
Espagne durant six mois, en 1882) et son prénom, et le verra
régulièrement. Marguerite Toucas pour vivre avait dû ouvrir, à la veille
de l'Exposition de 1900, une pension de famille avenue Carnot près de
l'étoile ; en 1904, elle vendit la pension pour s'installer 12, rue
Saint-Pierre à Neuilly. Elle traduisait des romans au Masque, sous la
signature de M. Toucas-Massillon (par sa mère, elle était de la famille du
prédicateur Massillon). L'enfant sentit très tôt le mystère qui entourait
sa naissance. Durant toute son enfance, sa mère passa pour sa sœur aînée
et sa grand-mère pour sa mère. Il entra en 1908 en sixième à Saint-Pierre
de Neuilly. Il avait entrevu le monde de l'art et de la littérature grâce
à son oncle Edmond Toucas, administrateur et fondateur d'une petite revue
littéraire, La Nouvelle Revue Moderne (1902), qui fréquentait
certains milieux littéraires autour du Mercure de France et admirait
beaucoup l'Art moderne. En 1912, Louis Aragon accompagna son tuteur,
député de Forcalquier, dans une campagne électorale dans les Basses-Alpes.
Lorsque la guerre éclata, il venait de passer la première partie du
baccalauréat latin sciences. Il fréquentait la librairie d'Adrienne
Monnier ; il y rencontra pour la première fois André Breton et les deux
jeunes gens se trouvèrent bientôt réunis par " l'intérêt qu'ils portaient
aux mêmes écrivains : Mallarmé, Rimbaud, Apollinaire, Lautréamont, Alfred
Jarry " (les Lettres françaises, 1er juin 1967). En 1917, Aragon
qui venait de passer son PCN, le certificat préparatoire aux études de
médecine, fut mobilisé ; incorporé le 20 juin 1917, il arriva au
Val-de-Grâce en septembre 1917 pour y suivre des cours. " Sa mobilité
d'esprit est sans égale écrira André Breton dans ses Entretiens",
d'où peut-être une assez grande laxité de ses opinions et une certaine
suggestibilité. Extrêmement chaleureux et se livrant sans réserve dans
l'amitié. Le seul danger qu'il court est son trop grand désir de plaire.
Etincelant [...]. En lui, à ce moment, peu de révolte. Le goût de la
subversion plutôt affichée par coquetterie, mais en réalité, les
impositions de la guerre et de l'orientation professionnelle supportées
avec allégresse : croix de guerre au front ; il s'arrangeait pour avoir "
pioché " toujours un peu plus que les autres les " questions
d'internat ". Entre octobre 1917 et juin 1918, Aragon et Breton
eurent de longues conversations sur la poésie et lurent Lautréamont.
Breton présenta Philippe Soupault à Aragon. Celui-ci commença à écrire
dans des revues d'avant-garde, dans Sicoù il publia son premier
article (sur Apollinaire), dans Nord-Sud où il donna son premier
poème. Il lisait aussi des journaux socialistes : " Nous étions des
lecteurs du Drapeau rouge, du Journal du Peuple, de la
Vague, c'est-à-dire des journaux contre la guerre, les journaux de
ces socialistes qui étaient contre la guerre ". Sorti du Val-de-Grâce
médecin auxiliaire des armées avec le rang d'adjudant-chef, il fut nommé
en avril 1918 médecin auxiliaire et envoyé au front en juin ; le 6 avril à
Couvrelles, il fut enseveli à trois reprises sous les obus ; on lui
décerna la croix de guerre et il fut cité à l'ordre de la division. Après
sa démobilisation en juin 1919, Aragon reprit ses études de médecine qu'il
abandonna à l'automne 1921, après être devenu externe des hôpitaux à
Lariboisière. Conscient d'appartenir à une génération nouvelle, il se
reconnut dans le mouvement Dada qui exprimait un sentiment de révolte
totale contre la société et un désir de subversion. Il lut le Manifeste
Dada, paru en décembre 1918 dans Dada 3. Avec Breton et
Soupault, il lança en mars 1919 la revue Littérature où figuraient au
premier numéro les noms de Gide, Valéry, Léon-Paul Fargue, André Salmon,
Pierre Reverdy, Max Jacob, Blaise Cendrars, Jean Paulhan. En 1920
Littérature s'ouvrit au mouvement Dada en publiant, en mai, vingt-trois
manifestes du mouvement. Aragon participa en 1920 aux manifestations et
scandales Dada et ce fut dans Littérature en mars 1921 qu'il publia son
premier manifeste à contenu politique, " A bas le clair génie français ".
En janvier 1921, Aragon et Breton décidèrent d'adhérer au Parti
communiste qui venait de naître et se rendirent au siège de ce qui
s'appelait encore la Fédération de Paris du Parti socialiste : " Breton et
moi ne nous considérant du tout comme des communistes, nous nous sommes
rendus au siège de la Fédération de Paris (disait-on encore) du Parti
socialiste, rue de Bretagne, dire : " Voilà, nous sommes à votre
disposition, nous ne sommes pas des communistes, mais nous ferons ce que
nous pourrons pour le devenir, parce que vous êtes le seul parti contre la
guerre, et pour nous, ceci est déterminant " ; mais la vue de Georges
Pioch les dissuada d'adhérer, ainsi qu'il le raconta dans ses entretiens
avec Dominique Arban. Au printemps 1921, Aragon participa avec Breton,
Soupault, Ribemont-Dessaignes à la " mise en accusation et jugement de
Maurice Barrès " qui témoignait du désir d'étendre l'esprit de révolte au
domaine politique. Le " procès Barrès ", ainsi que la décision de Breton
de convoquer un " Congrès international pour la détermination des
directives et la défense de l'esprit moderne " (1922), entraînèrent la
rupture avec Tzara et l'enterrement de l'esprit Dada à
Littérature. Aragon renonça à sa médecine au début 1922, s'opposant
à sa famille qui lui coupa alors les vivres. Breton le fit entrer avec lui
chez le couturier-mécène Jacques Doucet pour s'occuper de la bibliothèque.
A la fin 1922, Aragon prit un emploi au Théâtre des Champs-Élysées chez
Hébertot qui lui fit transformer le bulletin-programme de ses théâtres en
un Paris-journal, hebdomadaire littéraire. Il y cultiva
délibérément la provocation jusqu'à son départ au printemps 1923. Il
publia son premier recueil de poèmes, Feu de joie (1920), au Sans
Pareil et entra à la NRF avec trois brillants ouvrages en prose,
Anicet (1921), Les Aventures de Télémaque (1922), Le
Libertinage (1924), suivis des poèmes du Mouvement perpétuel
(1925). L'esprit de révolte qui s'était exprimé dans le mouvement Dada
se retrouva dans le surréalisme naissant, assorti d'un espoir de
libération et de révolution. Aragon suivit l'évolution qui conduisit les
surréalistes du désir d'une révolution totale qui changerait quelque chose
dans les esprits à l'adhésion à la conception marxiste de la révolution.
Après le lancement du Manifeste du Surréalisme (1924), il participa
aux expériences qui marquèrent les débuts du mouvement (expériences de
sommeil hypnotique et d'écriture automatique), activités du Bureau de
recherches surréalistes (la " Centrale surréaliste "), lancement de tracts
et papillons, articles dans la Révolution surréaliste. Il fut un
des six rédacteurs du pamphlet lancé en octobre 1924 après la mort
d'Anatole France, Un Cadavre, pamphlet qui déclencha le premier
véritable scandale surréaliste ; le texte d'Aragon, " Avez-vous déjà
giflé un mort ? " était particulièrement violent. A la fin de
l'année 1924, après la publication d'Un Cadavre se fit jour l'idée
d'une collaboration entre les surréalistes et les rédacteurs de la revue
Clarté ; ces derniers cherchaient un renouvellement par une
action commune avec des groupes d'intellectuels révolutionnaires ; les
premiers voulaient sortir du cycle des scandales et des provocations.
Paradoxalement, la publication d'Un Cadavre entraîna une polémique sur la
portée de la Révolution russe entre Aragon et Jean Bernier, un des
rédacteurs de Clarté les plus proches des surréalistes, ami comme
Aragon de Drieu la Rochelle. Aragon avait écrit : " Je tiens tout
admirateur d'Anatole France pour un être dégradé. Il me plaît que le
littérateur que saluent à la fois aujourd'hui le tapir Maurras et Moscou
la gâteuse [...] ". Le 1er décembre 1924, Aragon dans une lettre à Bernier
publiée par Clarté renchérissait " ... il vous a plu de relever
comme une incartade une phrase qui témoignait du peu de goût que j'ai du
gouvernement bolchevique, et avec lui de tout le communisme [...]. La
Révolution russe, vous ne m'empêcherez pas de hausser les épaules. A
l'échelle des idées, c'est au plus une vague crise ministérielle. Il
siérait, vraiment, que vous traitiez avec un peu moins de désinvolture
ceux qui ont sacrifié leur existence aux choses de l'esprit [...] Je tiens
à répéter dans Clarté même que les problèmes posés par l'existence
humaine ne relèvent pas de la misérable petite activité révolutionnaire
qui s'est produite à notre Orient au cours de ces dernières années [...]
". La polémique entre Aragon et Clarté tourna rapidement court.
D'ailleurs, d'après Breton, Aragon aurait donné à plusieurs membres du
groupe l'impression qu'il " s'enferrait ". " Parmi nous, même les esprits
les plus étrangers à la politique voyaient là un " morceau de bravoure "
indéfendable ". Cependant cette polémique n'empêcha pas le rapprochement
du groupe surréaliste avec la revue Clarté ; le rapprochement
s'effectua en juillet 1925, au moment de la protestation lancée contre la
guerre du Rif. Après avoir signé un " Appel contre la guerre " rédigé par
Henri Barbusse, les surréalistes convinrent avec Clarté d'élaborer
un manifeste commun qui scellerait l'accord des deux groupes. Breton,
après avoir reconnu la nécessité de la révolution économique et sociale,
avait orienté l'activité surréaliste à l'été 1925 vers les scandales
collectifs à caractère politique, cherchant d'autres formes d'action plus
efficaces et une voie d'accès vers le PC. Aragon fut chargé de recevoir
l'émissaire de Clarté, Victor Crastre. Voici le portrait
d'Aragon que trace Victor Crastre, portrait qui paraît encore fidèle plus
de cinquante ans après (on pense au goût des masques, par exemple) : " Je
ne saisis pas sur le coup tout ce qui se cache de coquetterie sous tant
d'aisance gracieuse et près des ailes de l'ange, les cornes du diable. Je
ne veux pas parler de pose, mais plutôt noter la difficulté à découvrir,
sous les masques divers, l'individu authentique : n'est-ce pas pour cacher
le véritable Aragon que cet enchanteur irréel fait pleuvoir sur nous ce
bouquet fleuri de mots aimables et de gestes heureux ? Mais le véritable
Aragon, où est-il ? Homme-Protée, je lui vois un tel don de
transformation, une si extraordinaire aptitude à jouer les personnages les
plus différents, que je me demande si le véritable Aragon n'est pas
uniquement cela : un des plus admirables acteurs de l'époque ? [...]
L'impression d'ensemble était d'instabilité, mais d'une instabilité
voulue, sans rien de maladif, ce qui étonnait et inquiétait un peu.
Aragon, en vérité, a toujours été très maître de ses nerfs : ses colères,
comme ses câlineries font partie du rôle qu'il joue et servent ses
desseins " (Le Drame du Surréalisme, p. 41). D'après Victor
Crastre, le manifeste qui devait sceller l'accord entre les surréalistes
et la revue Clarté aurait été rédigé par lui-même et Aragon. Peu
après, Aragon écrivait dans La Révolution surréaliste d'octobre
1925 : " Plus encore que le patriotisme, qui est une hystérie comme une
autre, mais plus creuse et plus mortelle qu'une autre, ce qui nous répugne
c'est l'idée de patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le
moins philosophique, dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit "
(En 1928, dans son Traité du Style, on pouvait lire, de la même
inspiration, des phrases telles que celle-ci : " J'appartiens à, dit-on,
la classe 1917. Je dis ici, et peut-être ai-je l'ambition, et certainement
j'ai l'ambition de provoquer par ces paroles une émulation violente chez
ceux que l'on appelle sous les drapeaux, je dis ici que je ne porterai
plus jamais l'uniforme français, la livrée qu'on m'a jetée il y a onze ans
sur les épaules, je ne serai plus le larbin des officiers, je refuse de
saluer ces brutes et leurs insignes, leurs chapeaux de Gessler tricolores
[...] "). Le manifeste, " La révolution d'abord et toujours ", parut
dans l'Humanité le 21 septembre 1925 et le 15 octobre 1925
simultanément dans Clarté et La Révolution surréaliste et
fut signé aussi par le groupe " Philosophies " et le groupe belge
" Correspondance " ; il se terminait par ces mots : "
Nous ne sommes pas des utopistes : cette révolution nous ne la concevons
que sous la forme sociale ". Le 8 novembre 1925, les surréalistes
affirmaient dans l'Humanité qu'il n'y avait pas de conception
surréaliste de la révolution. En même temps, Breton refusait de désavouer
l'activité et les recherches surréalistes. Après l'échec d'une revue
commune Clarté-La Révolution surréaliste, les surréalistes
écrivirent dans Clarté. En juillet 1925, Aragon collabora au numéro
spécial de Clarté " Contre la guerre du Maroc. Contre
l'impérialisme français " (15 juillet) ; approuvant la protestation
de Clarté, il ajoutait : " Mais permettez-moi, pour cette raison
même, de vous reprocher d'avoir employé pour en appeler à tous les
expressions du langage nationaliste : indépendance-souveraineté nationale
droit imprescriptible des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il n'y a pas de
peuples pour moi, à peine si j'entends ce mot au singulier. Enfin je
n'admets pas que vous vous adressiez à ceux qui se disent, à quelque titre
que ce soit, anciens combattants ; je tiens tout homme qui se pare d'un
pareil nom pour un con ou un escroc ". Aragon donna dans Clarté
le 30 novembre 1925 une étude théorique " marxiste ", " Le prolétariat
de l'esprit ", dénonçant la condition des intellectuels en régime
bourgeois, puis le 15 juin 1926, un autre article, " Le prix de l'esprit
". Il s'était initié à Hegel, avait lu le Manifeste communiste,
quelques textes de Lénine. Mais si Aragon approuvait l'évolution politique
du groupe vers le communisme, il était en revanche isolé quant à la
définition de l'activité surréaliste proprement dite. Le procès verbal de
l'assemblée du 23 novembre 1926 (Archives du surréalisme 3) a gardé trace
du différend opposant Breton à Aragon sur la question du roman. Celui-ci
avait publié des extraits d'un roman à paraître (La Défense de
l'infini) dont il brûlera la plus grand partie à l'automne 1927 dans
un hôtel de Madrid en présence de sa maîtresse Nancy Cunard. Des cinq
membres du groupe surréaliste qui adhérèrent au PCF en 1927, Breton,
Eluard, Péret, Pierre Unik et lui, il fut le premier à le faire, en
janvier (" le jour des Rois "). Dans la brochure Au grand jour, les
" Cinq " s'expliquaient ; s'adressant notamment à leurs camarades
communistes, ils tentaient de dissiper les malentendus qui entouraient
leur adhésion. Cependant la prétention des surréalistes à jouer un rôle
particulier dans le Parti communiste ne pouvait qu'accroître le malentendu
; Breton a fait adhérer le surréalisme au matérialisme dialectique, mais
il n'a pas renoncé à l'ambition propre du mouvement. Aragon rapporta
que ce fut Maïakovsky, rencontré à la Coupole à la fin de l'année 1928 qui
lui révéla la fonction révolutionnaire du poète. " Le poète qui a su faire
de la poésie une arme, le poète qui a su ne pas être au-dessous de la
Révolution devait être le lien entre le monde et moi ". A cette date,
Aragon rencontra Elsa Triolet avec laquelle son destin allait s'unir ; il
sortait alors d'une crise qui l'avait conduit près du suicide, à l'issue
de sa liaison avec Nancy Cunard. En 1929, Aragon et Breton pour apaiser
le malaise provoqué par l'adhésion des " Cinq " au PCF, prirent
l'initiative de convoquer une réunion commune, rue du Château, aux
surréalistes, aux exclus du groupe, aux " clartéistes ". Après l'échec de
cette réunion en mars et les exclusions qui suivirent, Breton lança le
Second manifeste du Surréalisme (15 décembre 1929) qui faisait le
point sur la position politique et littéraire du groupe. Aragon appuya
cette évolution et la transformation en 1930 de La Révolution
Surréaliste en le Surréalisme au Service de la Révolution (qui
s'ouvrait par une correspondance avec le Bureau international de la
littérature internationale). En novembre 1930, Aragon partit avec Elsa
Triolet en URSS ; le voyage avait des raisons essentiellement privées,
puisqu'il s'agissait de rendre visite à la sœur d'Elsa, Lili Brik,
compagne de Maïakovsky qui venait de se suicider. Georges Sadoul, sous le
coup d'une condamnation en France, les rejoignit à l'automne. Invité
avec Sadoul à assister aux travaux de la Conférence des écrivains
révolutionnaires à Kharkov, Aragon, en liaison avec Breton, se préoccupa
de défendre la ligne surréaliste et de faire condamner l'hebdomadaire
Monde de Henri Barbusse. Il intervint à la tribune du congrès, y
exprimant son enthousiasme pour la réalité soviétique et la certitude
qu'une littérature prolétarienne naîtrait de cette réalité ; mais il
refusait pour lui-même en France le titre d'écrivain prolétarien (" en
aucun cas les surréalistes qui font en France un travail d'agitation
particulier ne se sont donnés pour des littérateurs prolétariens "), tout
en rappelant qu'il assistait aux travaux de la Conférence non en tant que
surréaliste, mais comme communiste. Un certain nombre de faits
contradictoires marquèrent à son retour ses relations avec le groupe
surréaliste. En décembre 1931, Aragon publia dans le Surréalisme au
service de la Révolution (n° 3), un article intitulé " Le
surréalisme et le devenir révolutionnaire " dans lequel il portait le
jugement suivant sur son voyage : " On sait qu'à la fin de 1930,
Georges Sadoul et moi, avons été en Russie ; nous avons été en Russie plus
volontiers qu'ailleurs, beaucoup plus volontiers, c'est tout ce que j'ai à
dire des raisons de ce départ ". Aragon se proclamait toujours
surréaliste, mais surréaliste conséquent dans l'adhésion au marxisme : "
La reconnaissance du matérialisme dialectique comme seule philosophie
révolutionnaire, la compréhension et l'acceptation sans réserves de ce
matérialisme par des intellectuels partis d'une position idéaliste
conséquente, en face des problèmes concrets de la Révolution, ce sont là
des traits essentiels de l'évolution des surréalistes, je veux dire de
ceux d'entre eux qui s'étant violemment séparés de tous ceux qui, pour des
raisons diverses, toujours ramenables à des raisons de classe, entendaient
suivre une évolution différente, sont aujourd'hui désignés communément
sous le nom de surréalistes. Cette évolution implique avec plus de
fermeté que jamais, avec la fermeté que donne une semblable base
philosophique, la reconnaissance dans le domaine de la pratique, de la
IIIe Internationale comme seule action révolutionnaire, et implique la
nécessité d'appuyer avec les moyens variables qui peuvent être ceux des
intellectuels considérés, l'action en France du Parti communiste français,
section française de cette Internationale ." En 1931, Aragon
participa à l'action des surréalistes contre l'Exposition coloniale de
Vincennes en signant les tracts lancés à cette occasion ; il s'occupa
activement de l'Exposition anticoloniale communiste en se chargeant avec
Eluard de la décoration des stands. Cependant les surréalistes, troublés,
apprenaient qu'Aragon et Sadoul avaient signé à Kharkov, le 1er décembre
1930, avant de rentrer à Paris, une lettre à l'Union internationale des
écrivains révolutionnaires dans laquelle ils reconnaissaient leurs erreurs
et se ralliaient à la plate-forme idéologique de la conférence. En
réalité, ils avaient signé cette autocritique au commencement de la
conférence afin d'y être admis, comme l'a montré Jean-Pierre Morel. Ils
reconnaissaient qu'en tant que membres du Parti, ils auraient dû soumettre
leur activité littéraire au Parti (c'était renoncer à l'exigence qu'avait
toujours formulée Breton de l'autonomie du surréalisme dans le domaine
spirituel) ; ils désavouaient tout ce qui, dans le Second manifeste du
Surréalisme, était incompatible avec le matérialisme dialectique,
notamment le freudisme ; ils reconnaissaient qu'ils avaient eu tort
d'attaquer violemment H. Barbusse, en dehors des organisations du
Parti. " Notre seul désir est de travailler de la façon la plus efficace
suivant les directives du Parti à la discipline et au contrôle duquel nous
nous engageons à soumettre notre activité littéraire ". Devant
l'indignation du groupe surréaliste, Aragon se plaignit que sa signature
lui avait été extorquée ; mais il refusa de demander une rectification. Il
affirmait pourtant que son accord avec Breton et le groupe était une
" question de vie ou de mort ", qu'il ne s'était résolu à signer
ce document que pour permettre à Breton de travailler en accord avec le
Parti communiste, à la création d'une section française de l'Union
internationale des écrivains révolutionnaires. Puis il publia un manifeste
(écrit six mois avant, avec Sadoul, en URSS), " Aux Intellectuels
révolutionnaires " dans lequel il justifiait, comme arme contre la
bourgeoisie, l'emploi de la méthode psychanalytique qu'il avait condamnée
comme " idéaliste " dans sa lettre à l'UIER. Les rapports entre Aragon
et le groupe surréaliste en étaient là, lorsque parut le poème " Front
Rouge ", écrit par Aragon à Moscou, comme preuve de son ralliement. Publié
en juillet 1931 par l'édition française de la Littérature de la Révolution
mondiale, organe de l'Union internationale des Ecrivains révolutionnaires
(UIER), ce poème déclencha " l'affaire Aragon " qui aboutit à la rupture
d'Aragon avec le surréalisme. Ce poème marquait une brutale rupture avec
l'œuvre antérieure d'Aragon et traduisait la volonté d'appliquer à la
poésie la vision marxiste. C'était un poème militant, publié ensuite dans
Persécuté Persécuteur (1931), qui faisait largement place aux mots
d'ordre de combat et dont certains passages étaient empreints d'une
violence provocatrice aiguë. " Front Rouge " fit grand bruit ;
Aragon fut poursuivi et inculpé en janvier 1932 pour " excitation de
militaires à la désobéissance et provocation au meurtre ". Les
surréalistes, sur l'initiative de Breton, lancèrent pour défendre Aragon
une pétition qui se couvrit bientôt de plus de trois cents signatures. La
pétition se terminait ainsi : " Nous nous élevons contre toute
tentative d'interprétation d'un texte poétique à des fins judiciaires et
réclamons la cessation immédiate des poursuites. " Puis Breton publia
une brochure, Misère de la Poésie " L'affaire Aragon " devant
l'opinion publique (1932), dans laquelle il s'élevait contre le "
précédent scandaleux de répression en matière de poésie " et le procédé
qui consistait à détacher du contexte poétique des expressions telles que
" Descendez les flics ", " Feu sur Léon Blum ", pour y
voir des provocations à l'assassinat. La protestation de Breton était
désintéressée car il avouait ne pas aimer le poème d'Aragon, qui aurait,
selon lui, manqué le drame poétique en voulant exprimer le drame social.
Aragon approuva la protestation des intellectuels en sa faveur et le
contenu de la brochure de Breton, mais déclara, qu'en raison des attaques
voilées qu'elle contenait contre le PC et sa politique littéraire, il en
jugeait la publication inopportune et réservait sa position personnelle.
Or un entrefilet de l'Humanité (10 mars 1932) communiqué à la
presse par l'Association des Ecrivains et Artistes révolutionnaires
(AEAR), section française de l'UIER, qui venait d'être fondée, fit savoir
qu'Aragon se désolidarisait de la brochure de Breton : " Notre camarade
Aragon nous fait savoir qu'il est absolument étranger à la parution d'une
brochure intitulée : Misère de la Poésie. L' " affaire
Aragon " devant l'opinion publique, est signée André Breton. Il
tient à signaler clairement qu'il désapprouve dans sa totalité le contenu
de cette brochure et le bruit qu'elle peut faire de son nom, tout
communiste devant condamner comme incompatible avec la lutte de classe et
par conséquent comme objectivement contre-révolutionnaires, les attaques
que contient cette brochure. " Les surréalistes déclarèrent
apprendre par cet entrefilet la fondation effective de l'AEAR, car
jusqu'alors ils n'avaient pas reçu de réponse à leur demande
d'affiliation, Aragon inclus. Ils apprenaient, en outre, qu'Aragon ne se
comptait plus comme un des leurs. Le groupe surréaliste tira la leçon de
l'affaire en publiant Paillasse ! (Fin de " l'Affaire
Aragon ") (mars 1932). Paul Eluard écrivit un texte très dur pour
Aragon, " Certificat " : " Je comprends qu'il ait toujours tenté de
justifier à nos yeux le principe d'une évolution par bonds qui lui serait
propre et qui ne laissait pas de me paraître inquiétante. C'est seulement
aujourd'hui qu'il m'est donné de voir, en effet, quelles contradictions
misérables il entend faire passer à la faveur de sa prétendue conception
dialectique de la vie. " La rupture d'Aragon avec le surréalisme
ne se fit pas sans mal, comme le prouvent ses réticences à accepter les
mots d'ordre culturels de la conférence de Kharkov, son attitude souvent
contradictoire vis-à-vis du groupe surréaliste. Aragon souhaitait,
semble-t-il, faire évoluer le groupe surréaliste sans rompre avec lui. Les
surréalistes mirent en doute sa sincérité et posèrent le problème de sa
double attitude ; tout en proclamant leur adhésion au matérialisme
dialectique, ils refusaient d'abdiquer leur autonomie spirituelle au
profit d'une littérature qu'ils considéraient comme une littérature de
propagande. Par la suite, Aragon attribua une signification profonde à
son voyage en URSS et fit dater de ce retour, sa transformation intime,
son évolution politique et littéraire. " Je suis revenu d'URSS et je
n'étais plus le même homme. Pourtant, il restait à trancher mille liens,
fins comme la toile d'araignée. Si j'en ai eu la force, c'est, je le sais,
grâce au travail pratique, au travail social dans lequel m'entraînait le
prolétariat de mon pays. C'est parce que j'étais désormais mêlé à cette
lutte de tous les jours des nouveaux Titans du ciel social... Ce n'est
donc pas un simple fait de ma biographie que cette transformation de tout
moi-même et de mon œuvre par l'URSS et par le travail pratique dans les
organisations révolutionnaires " (Pour un réalisme socialiste, p.
53). Les premières expériences d'Aragon dans le Parti furent décevantes
pour lui. Dans les entretiens avec Dominique Arban, il a évoqué
l'ouvriérisme et l'anti-intellectualisme qui régnait alors dans le Parti
ainsi que " l'incompréhension totale de ce que pouvaient être des gens
comme nous ". Dans ses entretiens avec Jean Ristat en 1979 à la
télévision, Aragon déclara que ce fut Maurice Thorez qui mit fin à ces
abus en 1931, lui rendant ainsi la vie possible dans le Parti. Au
printemps 1932, sans doute sous l'influence d'Elsa, le couple retourna à
Moscou où il passa un an. Aragon travailla à l'UIER (Union internationale
des écrivains révolutionnaires) où il fut responsable de l'édition
française de la Littérature de la révolution mondiale qui paraissait en
plusieurs langues ; il partageait la vie des cadres étrangers et fit la
connaissance de la plupart des écrivains soviétiques et des écrivains du
mouvement communiste international des années trente. Le travail d'Aragon
à l'UIER, fut suffisamment apprécié pour que Béla Illés, secrétaire de
l'UIER demandât à André Marty qu'on prolongeât son séjour à Moscou en
raison du caractère " indispensable " de son travail (10
septembre 1932). En réponse, le 19 septembre, Marty affirma qu'il n'y
avait pas d'" intérêt primordial à prolonger le séjour en URSS du camarade
Aragon " avant d'assouplir sa position (CRCEDHC, 541 1 115 et 120). Le
secrétariat de l'UIER proposa finalement à Marty que Léon Moussinac fût
désigné comme successeur d'Aragon (27 janvier 1933, CRCEDHC, 495 270 72).
A son retour à Paris au printemps 1933, il entra à l'Humanité (où
il resta d'avril 1933 à mai 1934), comme journaliste à la rubrique des "
informations générales " ; il rédigea des entrefilets anonymes sur les
faits divers ; signa son premier article sur la catastrophe de Lagny, puis
suivit l'affaire Violette Nozières ; il y présenta les événements de
février 1934. Aragon était appuyé par Vaillant-Couturier, toujours
attentif à la force que représentaient les intellectuels et qui le
présenta à Maurice Thorez. Au début de 1932, Aragon se consacra un temps à
la propagande antireligieuse, en dirigeant l'organe de la " Libre pensée
prolétarienne ", La Lutte. D'après Roger Garaudy, ce serait Maurice
Thorez qui aurait conseillé à Aragon de choisir une voie plus intégrée à
la vie du Parti. Le tournant qui préluda à l'avènement du Front populaire
lui permit de trouver sa voie comme intellectuel et de s'épanouir dans
l'action. A partir de 1933, Aragon prit place dans le mouvement de
front unique antifasciste des intellectuels, lancé par le Parti communiste
; son rôle y crût à mesure que se développait l'idéologie de rassemblement
antifasciste, à la veille et au lendemain du Front populaire. Il fit
partie de l'Association des écrivains et Artistes révolutionnaires (AEAR),
rattachée à l'Union internationale des écrivains révolutionnaires (UIER).
Il devint secrétaire de rédaction de la revue Commune, organe de
l'AEAR, en juillet 1933 et le resta jusqu'en décembre 1936. A partir de
janvier 1937, ce fut René Blech qui assura le secrétariat de rédaction
tandis que le nom d'Aragon figurait au Comité directeur aux côtés de ceux
d'André Gide (qui disparut du Comité en août 1937), de Romain Rolland, de
Paul Vaillant-Couturier (qui mourut en octobre 1937). A partir de
l'automne 1937, la revue fut officiellement dirigée par Romain Rolland et
Aragon, mais en réalité Aragon assuma seul les tâches de direction. Il
écrivit régulièrement dans Commune et il y commenta, au début de
1934, les réponses à l'enquête lancée en décembre 1933 par la revue sur le
thème " Pour qui écrivez-vous ? " Il donna des critiques d'œuvres
littéraires (Antoine Bloyé de Paul Nizan par exemple, en mars-avril 1934),
de textes et d'ouvrages politiques : il commenta en octobre 1936 la
nouvelle Constitution de l'URSS et le Procès du Centre
terroriste trotskiste-zinoviéviste. Il se consacra à
l'organisation de nombreux débats et conférences sous l'égide de l'AEAR ou
de la Maison de la Culture (qui groupait, outre l'AEAR, de nombreuses
associations culturelles du Front populaire). Citons le débat " Où va
la peinture ? " avec René Crevel en mai 1935, l'hommage à Victor
Hugo en juin 1935, le débat " Défense du roman français. Ce que
signifie Le Sang noir " en décembre 1935, le débat sur " Le
réalisme à l'ordre du jour " en mai 1936, l'hommage à Gorki, publié par
Commune en août 1936 (avec la reproduction du discours qu'Aragon,
arrivé en URSS en juin 1936 au moment de la mort de Gorki, avait prononcé
le 21 juin en présence de 20 000 personnes, au Parc de la Culture M.
Gorki). A partir de l'automne 1936, il prit fréquemment la parole en
faveur de l'Espagne républicaine. La rupture d'Aragon avec le
surréalisme se traduisit sur le plan littéraire par des écrits à
l'inspiration plus politique et sociale. En 1934 parurent les poèmes
d'Hourra l'Oural écrits pour la plupart en URSS en 1932, et qui
magnifiaient la construction du socialisme à travers des réalisations
telles que Magnitogorsk : Aragon avait visité l'Oural avec une brigade
d'écrivains et il avait été enthousiasmé par l'épopée qui s'y déroulait.
C'est en 1934 également qu'il publia Les Cloches de Bâle, premier
roman de la série " Le Monde Réel ", qui exprimait sa conversion au
réalisme. Dans ce roman, il tentait de rendre sensibles les classes
sociales à la veille de 1914 : on y voyait apparaître la grande
bourgeoisie, avec ses scandales, ses intrigues, ses responsabilités dans
la préparation de la guerre, ses relations avec l'état-major ; la petite
bourgeoisie intellectuelle à travers un cercle d'anarchistes émigrés, en
révolte contre la société bourgeoise mais impuissants à s'intégrer à la
classe ouvrière ; le monde ouvrier, évoqué de biais à partir de certains
épisodes historiques comme la grève des chauffeurs de taxi, les
funérailles de Lafargue. Le roman se terminait par l'apparition de Clara
Zetkin au dernier congrès de l'Internationale socialiste à Bâle en
novembre 1912. Aragon expliqua ultérieurement (la Nouvelle
Critique, juillet-août 1945) qu'il avait voulu montrer " le passage
d'une partie de la bourgeoisie dans le camp des travailleurs, ou tout au
moins le désir d'y passer, c'est-à-dire comme historiquement ce désir
apparaissait d'abord ". Les critiques communistes saluèrent Les Cloches
de Bâle comme un exemple de l'application de la méthode du réalisme
socialiste à la littérature. Aragon s'employa d'ailleurs à faire connaître
en France les théories du réalisme socialiste telles qu'elles avaient été
définies à Moscou à l'été 1934 au premier congrès des écrivains
soviétiques (auquel il avait assisté). En 1935, il réunit, sous le titre
Pour un réalisme socialiste plusieurs conférences (notamment un
exposé fait à la Maison de la Culture de Paris le 4 avril 1935 intitulé "
D'A. de Vigny à Avdeenko : les écrivains dans les soviets " ; " Message au
congrès des John Reed Clubs " qui s'était tenu à New York fin avril 1935 ;
" Le retour à la réalité ", discours au Congrès des écrivains
pour la Défense de la Culture, le 25 juillet 1935). Dans ces textes,
Aragon (qui expliquait sa propre évolution du surréalisme au communisme)
réclamait le " retour à la réalité " : " Assez joué, assez rêvé éveillé,
au chenil les fantaisies diurnes ou nocturnes " ; mais il cherchait à
relier le réalisme socialiste à toute une tradition littéraire : "
Réalisme socialiste ou romantisme révolutionnaire : deux noms d'une même
chose et ici se rejoignent le Zola de Germinal et le Hugo des
Châtiments. Il fallait, pour que cette synthèse fût possible,
l'écroulement du capital et la victoire du socialisme sur un sixième du
globe ". Il demandait aux écrivains de regarder vers la réalité soviétique
où des écrivains sortis de la bourgeoisie étaient devenus des alliés du
prolétariat, où ils étaient devenus " selon la géniale expression de
Staline " des " ingénieurs des âmes ". Aragon poursuivit
sa tentative de réalisme français avec Les Beaux quartiers (1936)
qui obtint le prix Renaudot. Le roman poursuivait la satire des milieux
bourgeois, notamment provinciaux, et s'achevait sur la découverte de la
réalité ouvrière par un fils de famille. Dédié à Elsa Triolet " à qui je
dois d'être ce que je suis, à qui je dois d'avoir trouvé du fond de mes
nuages l'entrée du monde réel où cela vaut la peine de vivre et de mourir
", le roman (qui avait d'ailleurs été rédigé en partie à Moscou lors du
séjour de 1936) pouvait illustrer la ligne " nationale " du Parti au
moment du Front populaire. " Ce n'est pas Thorez écrit Pierre Daix qui a
soufflé à Aragon la théorie d'un réalisme français, mais c'est
indéniablement aux encouragements de Thorez qu'Aragon a dû de formuler
avec de plus en plus de hardiesse une conception du développement de
l'héritage national aux antipodes de ce " mécanisme de classe de
l'inspiration poétique " à quoi il croyait, encore en 1933, identifier les
positions du parti ". Aragon revint fréquemment sur cette notion de
réalisme national (notamment dans sa conférence du 5 octobre 1937 pour
l'Exposition internationale, publiée dans Européen mars 1938, "
Réalisme socialiste, réalisme français "). Aragon se dépensa sans
compter pour préparer le Congrès des écrivains pour la Défense de la
Culture (Paris, 21-25 juin 1935) dont il fut, avec Ehrenbourg du côté
soviétique, une des chevilles ouvrières. Le Congrès, d'initiative
communiste, rassembla de nombreux compagnons de route de tous pays. Aragon
y prononça le 25 juin un discours, " Le retour à la réalité ". Elu
secrétaire de l'Association internationale des écrivains pour la défense
de la Culture, Aragon fut de ceux qui préparèrent activement le second
congrès qui se tint en Espagne et s'acheva à Paris en 1937. Il y évoqua le
thème du " réalisme national ". Il dirigea chez Denoël la
collection " Association internationale des écrivains pour la défense de
la Culture ". En 1936-1937, la foi d'Aragon en l'URSS ne fut pas
touchée par les témoignages d'un André Gide ou d'un Victor Serge. Il ne
mit pas en doute le bien-fondé des procès de Moscou, à propos desquels il
écrivit dans Commune en mars 1937 : " C'est pourquoi nous appellerons
époque stalinienne l'époque où nous vivons, et assassins, félons et
canailles, les hommes qui ont fait leur programme du meurtre projeté de
Staline et du sabotage de la construction socialiste " (Vérités
élémentaires). Est-il certain pourtant qu'il ne fut pas ébranlé? Selon
Lilly Marcou, Aragon ne crut pas en la culpabilité du général Primakov,
compagnon de sa belle-sœur Lili Brik, fusillé en juin 1937 avec d'autres
cadres de l'Armée rouge. Lors d'un entretien avec Jacques Duclos en
présence de Fried, le sujet aurait été abordé et Aragon se serait refusé à
toute déclaration publique (p. 182-185) : " Le sang, le deuil, la peur
étaient entrés dans la famille " (Elsa Triolet. 182). A l'automne 1936,
Aragon se vit confier par Maurice Thorez la tâche de diriger un grand
quotidien du soir qui compléterait le réseau de presse du Parti et qui
concurrencerait Paris-Soir. Aragon demanda à Jean-Richard Bloch de
partager avec lui la direction de Ce Soir qui fut lancé le 1er mars
1937, avec une bonne équipe de collaborateurs favorables au Front
populaire. Y écrivirent des journalistes communistes comme Gabriel Péri,
Paul Nizan, y écrivirent aussi Andrée Viollis et Pascal Pia ; de nombreux
reportages, sur la guerre d'Espagne notamment, y furent publiés. Ce
Soir connut un succès assez remarquable ; il tirait à 120 000
exemplaires à l'automne 1937, et atteignit les 250 000 en mars 1939.
Le journal, ferme défenseur de l'Espagne républicaine, dénonça
vigoureusement les accords de Munich. Partisan d'une alliance entre les
démocraties occidentales et l'URSS, Ce Soir dut faire face à la
situation nouvelle crée par l'annonce, puis la signature du pacte de
non-agression germano-soviétique du 23 août 1939. Ce fut Aragon,
Jean-Richard Bloch, alors en vacances à Poitiers qui se chargea de
justifier le pacte dans ses éditoriaux (" vive la paix ! "
23 août 1939, " Tous contre l'agresseur ", 24 août
1939). Il se plaçait sur la même ligne que celle défendue par
L'Humanité, à savoir que le pacte avait fait reculer la guerre et
n'était pas incompatible avec un accord tripartite, Grande-Bretagne,
France, URSS. Dans l'éditorial " Tous contre l'agresseur "
(Ce Soir daté du 25 août, écrit le 24), Aragon réaffirma les
principes de l'antifascisme et énonça clairement le devoir patriotique en
cas d'agression. La saisie et l'interdiction par le gouvernement Daladier
de L'Humanité et de Ce Soir, le 25 août, empêchèrent la
parution de son article " Union de tous les Français ". Après la
saisie et l'interdiction, Aragon qui avait été molesté dans la rue par des
manifestants d'extrême-droite se mit à l'abri les derniers jours d'août à
l'ambassade du Chili où il termina Les Voyageurs de
l'impériale. Mobilisé le 2 septembre 1939 comme médecin auxiliaire
et envoyé sur la frontière belge, Aragon se remit à la poésie pendant la
drôle de guerre ; grâce à Paulhan, il se réconcilia avec Gaston Gallimard.
La NRF publia des poèmes écrits aux armées dans le numéro de décembre
1939. A partir de janvier 1940, son roman Les Voyageurs de
l'impériale parut dans La NRF. Pendant la bataille de France de
mai-juin 1940, il se battit courageusement ; fait prisonnier à Angoulême,
il s'évada. Sa conduite lui valut deux citations, la médaille militaire et
la Croix de guerre avec palme. Démobilisé à Ribérac en Dordogne en juillet
1940, Aragon retrouva alors Elsa. Le couple alla à Carcassonne puis aux
Angles avec Pierre Seghers, avant de s'installer à Nice où ils arrivèrent
le 30 décembre 1940. A cette date Aragon n'avait pas de liaison avec
la direction communiste clandestine. Sa collaboration à des publications
légales, l'interruption de ses contacts avec les responsables, sa "
disparition " en zone sud firent planer sur lui des soupçons, comme en
témoignent certains documents. Dans un document conservé dans le fonds
français de archives du Komintern et daté du 10 novembre 1940, on apprend
que les responsables du parti voulaient faire revenir Aragon en zone
occupée pour le faire travailler parmi les intellectuels et étudier son
comportement depuis sa démobilisation : " A fait une faute. A fait
paraître un poème dans le Figaro. Nous étudierons son affaire
lorsqu'il sera ici. " (CRCEDHC, fonds 517 1 1916, consulté par Nicole
Racine). Dans ses conversations avec André Marty à Moscou en avril-mai
1941, Jean-Richard Bloch fut très étonné d'apprendre " qu'il y ait une
question Aragon ". Il déclara " Aragon s'est très bien conduit pendant le
guerre et l'après-guerre (...) Décoré de la médaille militaire, la croix
de guerre, il écrivait : 'Nous devons être les premiers partout'. " Sur la
publication de textes d'Aragon dans la NRF, Bloch en impute la
responsabilité à Elsa Triolet et affirme que Aragon aurait désavoué cette
parution. D'après Jean-Richard Bloch, ce serait le Suisse Pierre Nicole
(le fils de Léon Nicole, dirigeant de la gauche socialiste) qui aurait
écrit que " l'attitude d'Aragon n'était pas bonne ". Après avoir reproduit
ces déclarations, Marty ajoutait : " Je reste convaincu que la position
d'Aragon pendant et après la guerre est à éclaircir " (CRCEDHC, Moscou,
fonds 517 3 47, consulté par Nicole Racine). La ligne officielle du
Komintern qui condamnait toute position légaliste était respectée par les
responsables du travail parmi les intellectuels ; Georges Politzer
assimilait dans le premier numéro clandestin de La Pensée libre,
parue en février 1941, la littérature légale à la littérature de trahison.
Selon Georges Sadoul, Aragon avait, dès l'automne 1940 établi un plan de
résistance littéraire légale. Outre " Les Lilas et les roses " paru sous
son nom dans Le Figaro (21 et 28 septembre 1940), des poèmes
parurent toujours sous son nom dans Mesures et Fontaine à
Alger. Ce fut dans la revue Fontaine qu'il publia en avril 1941 un des
textes fondateurs de la résistance littéraire légale, " La leçon de
Ribérac ou l'Europe française " où il retraçait l'histoire de la poésie
française depuis le XIIe siècle. Cependant la pratique de littérature
légale qu'inaugurait Aragon en zone sud allait contre les directives
communistes énoncées en zone occupée. Au début de l'année 1941 à Nice,
Aragon rencontra par hasard un responsable communiste, Jean (Pierre Pagès,
beau-frère de Danielle Casanova) mais c'est Georges Dudach , envoyé par la
direction nationale clandestine du parti qui retrouva la trace du couple à
Nice, probablement par l'intermédiaire de Paulhan. La date à laquelle
Dudach rencontra pour la première fois le couple à Nice ne peut être
donnée avec certitude, Aragon la situe au début de l'année 1941 (février
ou mars), Francis Crémieux, pour sa part, la situe en mai ou juin
(Faites entrer l'infini, n° 19, juin 1994). Dans L'Homme
communiste, Aragon parle de trois rencontres avec Dudach. Chargé de
contacter Aragon en zone occupée, il avait la mission de l'accompagner
jusqu'à Paris pour le mettre en contact avec les responsables du parti
pour le travail parmi les intellectuels, notamment Georges Politzer.
Arrêtés par les Allemands en franchissant clandestinement la ligne de
démarcation près de La Haye-Descartes, le 25 juin 1941, ils furent tous
trois incarcérés à Tours, puis finalement libérés sans avoir été reconnus
au lendemain du 14 juillet. A Paris, Aragon rencontra chez le peintre
Edouard Pignon, Danielle Casanova et Georges Politzer afin de discuter
d'une organisation d'écrivains. Aragon, d'après son témoignage,
convainquit Georges Politzer de suspendre La Pensée libre et de
lancer Les Lettres françaises (" De l'exactitude historique en
poésie "). L'intervention d'Aragon, en faveur d'une large union, allait
coïncider avec la politique de Front national en gestation depuis
plusieurs mois. Il rencontra Jean Paulhan qui avait formé avec Jacques
Decour le premier projet d'édition des Lettres françaises. De
retour dans le Midi, Aragon et Elsa se chargèrent, avec un mandat précis,
de regrouper les intellectuels, de créer et d'animer le Comité national
des écrivains pour la zone sud. Dénoncé en octobre 1941 dans
L'Emancipation nationale de Jacques Doriot par Drieu la Rochelle
qui s'en prenait aux revues " littéraires et poétiques cousues de fil
rouge ", Aragon répondit par " Plus belle que les larmes ", publié sous
son nom dans un journal de Tunis. En mars 1942, il entreprit d'écrire sur
ordre de Duclos, à partir de documents sur les fusillés de Châteaubriant
que lui avait apportés Joë Nordmann, un texte qu'il signera " Le témoin
des martyrs " et qui prendra place quelques mois plus tard dans Le
Crime contre l'esprit : ce texte connaîtra plusieurs éditions
clandestines et contribuera à faire connaître le " martyrologue de
l'intelligence française ". Dans les Yeux d'Elsa (Cahiers du
Rhône, Neuchâtel, Suisse), Aragon associait l'amour de la patrie et celui
de sa femme. Brocéliande, parut également aux Cahiers du Rhône fin
1942, grâce à Albert Béguin, fut introduit en France où il connut une
grande vogue. La censure laissa passer de nombreuses allusions aux
événements politiques ; malgré tout, celles du poème " Nymphée " qui
éveillèrent la méfiance de Paul Marion, secrétaire d'Etat à l'Information,
firent suspendre à Lyon, en août 1942, la revue Confluences. A la
suite de l'occupation italienne à Nice, en novembre 1942, Aragon et Elsa
s'installèrent dans la Drôme, enfin à Lyon, où ils vécurent avec de faux
papiers. Le dernier poème d'Aragon, signé de son nom et publié en France,
parut le 11 mars 1943 dans la page littéraire du Mot d'ordre de
Lyon, dirigée par Stanislas Fumet : " La Rose et le Réséda " allait
faire figure de classique. Aragon fonda au début 1943 Les Etoiles
qui allaient devenir pour la zone sud l'organe des intellectuels
rassemblés dans le Front national et dont la diffusion reposait sur des
groupes de cinq. A partir de cette publication naquit la Bibliothèque
française, première maison clandestine du PCF. Dans la deuxième partie
de 1943, Elsa et Aragon durent chercher un autre refuge et se replièrent à
Saint-Donat dans la Drôme. Contacté par Claude Morganen mars 1943, Aragon
donna deux poèmes sans signature dans les Lettres françaises, dont
" La Ballade de celui qui chanta dans les supplices ", dédié à Gabriel
Péri (d'abord diffusé en tract, puis repris en juillet 1943 dans la
première anthologie des poètes de la Résistance, L'Honneur des
poètes, sous le pseudonyme de Jacques Destaing, enfin publié en 1944
sous le pseudonyme de François la Colère, aux Editions clandestines de la
Bibliothèque française). Pendant cette même année 1943, Aragon fit
publier, sous son pseudonyme de François la Colère, Le musée
Grévin, première brochure des éditions clandestines de la Bibliothèque
française. En août-septembre paraissait à Neuchâtel, En français dans
le texte qui fut diffusé dans tous les pays alliés (et republié en
1944 dans La Diane française) ; le recueil débutait par un " Art
poétique " (" Pour mes amis morts en mai... ") ; il comprenait " Le
médecin de Villeneuve " qui décrivait la chasse aux Juifs dans
Villeneuve-lès-Avignon en août 1942. Durant les semaines qui précédèrent
la Libération, ils publièrent La Drôme en armes. En septembre 1944,
ils rentrèrent à Paris et Aragon réunit dans La Diane française qui
parut chez Seghers, à la fin 1944 ses poèmes de la Résistance. On pouvait
y lire l'hymne qu'il adressait à son parti : " Mon Parti m'a rendu mes
yeux et ma mémoire [...] Mon Parti m'a rendu les couleurs de la France ".
En 1945, ce fut enfin En étrange pays dans mon pays lui-même. Le
sentiment national et l'expression poétique se mariaient chez l'écrivain
communiste avec une grande force. A la Libération, Aragon prit seul la
direction de Ce Soir en attendant le retour d'URSS, de Jean-Richard
Bloch. Une lettre à Gaston Bensan datée du 1er décembre 1944 nous éclaire
sur les conditions dans lesquelles Aragon a assumé à partir de son retour
à Paris fin septembre 1944 la direction effective du quotidien (Faites
entrer l'infini, n° 18, décembre 1994, p. 24). Bloch ne reprit
ses fonctions de co-directeur qu'au début de février 1945. Après sa mort
en mars 1947, Aragon dirigea seul le journal . Membre du Comité directeur
de l'Union nationale des intellectuels (UNI), il joua un rôle actif dans
sa plus importante organisation, le Comité national des écrivains (CNE)
dont il fut l'actif secrétaire général. Mais l'union des intellectuels
issus de la Résistance se désagrégea rapidement. En novembre 1946, Jean
Paulhan, un des fondateurs du CNE pendant la clandestinité, démissionna
pour protester contre la mise en pratique de la liste noire établie
pendant l'Occupation. Dans De la Paille et du grain (1948), Paulhan
contestait la légitimité du CNE à s'ériger en " juge de la patrie ",
notamment pour un ancien surréaliste et antimilitariste comme
Aragon. En 1947, Aragon fut personnellement mis en cause dans "
l'affaire Nizan " par Jean-Paul Sartre pour lui avoir affirmé oralement
que Paul Nizan renseignait la police avant 1939 (voir la protestation
d'intellectuels inspirée par Sartre dans le numéro de juillet 1947 des
Temps Modernes, contre la campagne menée par les communistes autour
de la " trahison " de Paul Nizan). Le couple Aragon-Elsa Triolet allait
exercer un magistère de fait au CNE bien que celui-ci eut jusqu'en 1957
des présidents non communistes (Jean Cassou, Louis Martin-Chauffier,
Vercors). Aragon ne devint officiellement président du CNE qu'en 1957, au
sortir de la crise due aux événements de Hongrie. Au fil des années, la
politique du CNE se modelait de plus en plus étroitement sur celle du
Parti (voir l'organisation des " Batailles du Livre ", au début des années
cinquante, avec l'appui de la presse du Parti). La guerre froide
1947-1953/1954 fut pour Aragon une époque de politisation intense, en même
temps que celle où il connut son plus grand isolement en tant qu'artiste,
à la fois hors du Parti (ses essais, poèmes et les romans de la série
Les Communistes furent perçus dans le public intellectuel comme
relevant plus de la propagande de parti que de l'art) et dans le Parti
(les poèmes du Nouveau Crève-Cœur, en 1948) ne furent pas bien
compris. Durant ces années, Aragon s'engagea très loin dans la défense du
Parti en tous domaines, celui de l'art en particulier, au moment où
l'adéquation était étroite entre les choix du PCF et la politique
stalinienne : c'est ainsi qu'il contribua à la diffusion de la conception
jdanovienne de l'art tout en limitant ses conséquences extrêmes. Dès le
début de cette période, Aragon se solidarisa avec toutes les prises de
position du Parti, que ce soit à propos de l'affaire Lyssenko (à laquelle
il consacra en octobre 1948 un numéro entier d'Europe qu'il ouvrit par un
long article, " De la libre discussion des idées "), ou des procès dans
les démocraties populaires (il polémiqua avec Vercors au sujet du procès
Rajk et du procès Kostov). Il appuya la définition du rôle de
l'intellectuel donnée par Laurent Casanova au congrès de Strasbourg en
juillet 1947, il défendit les thèses de Jdanov sur le réalisme socialiste
(voir l'éloge funèbre de Jdanov dans les Lettres françaises du 9
septembre 1948) et il leur resta officiellement fidèle jusqu'en 1953-1954.
Il faut noter pourtant qu'il n'assista pas au Congrès mondial des
intellectuels pour la paix à Wroclaw (août 1948) pendant lequel les
Soviétiques déclenchèrent une violente offensive contre les écrivains des
pays occidentaux : Dominique Desanti se demandera mais bien plus tard si
Aragon, ayant eu vent de ce qui se préparait à Wroclaw, n'aurait pas jugé
qu'il en avait assez fait en France pour défendre les thèses de Jdanov
(Les Staliniens, p. 111). Un document émanant de l'écrivain
soviétique Simonov, en date du 2 septembre 1947, conservé dans le fonds
Aragon éclaire, selon Lilly Marcou, cette absence. Aragon aurait pris en
privé la défense de peintres comme Picasso ou Matisse critiqués par la
Pravda. Il joua surtout par l'intermédiaire des Lettres françaises
un rôle de promotion pour nombre de jeunes écrivains et artistes qu'on ne
saurait réduire à la mise en œuvre d'une politique officielle, ainsi pour
Henri Pichette ou Charles Dobczynski. Mais l'attention s'est davantage
portée sur deux cas : Stil et Fougeron. Il encouragea en effet André Stil
dont il publia en 1949, Le mot mineur Camarades et qui reçut en
février 1952, le Prix Staline de littérature pour Le Premier
choc ; il prit sa défense dans Le Neveu de Monsieur Duval
(1953) alors que Stil était emprisonné pour son action militante au
moment des grandes campagnes anti-américaines du Parti. Il intervint dans
le domaine de la peinture contribuant au succès du peintre André Fougeron,
proposé, aux alentours de 1950-1952, en exemple aux autres artistes du
Parti (il est vrai qu'Aragon contribuera ultérieurement à la chute de
Fougeron en l'accusant dans les Lettres françaises, en novembre
1953, de " peindre hâtivement "). Il consacra, au début de 1952, une série
d'articles apologétiques à la peinture soviétique de réalisme socialiste
dans les Lettres françaises (" Réflexions sur l'art soviétique ").
Auteur du cycle romanesque, Les Communistes, de deux volumes
sur l'Homme communiste, Aragon allait d'une certaine façon faire
figure d' " écrivain officiel ". Dans Les
Communistes, dernier volet du " Monde réel ", il eut le
projet d'embrasser les années 1939-1944 et d'évoquer le rôle patriotique
du Parti. Jamais Aragon n'avait traduit jusqu'alors un argument aussi
explicitement politique dans son œuvre romanesque : il s'agissait, en
effet, d'évoquer la société française durant la période dramatique qui
aboutit à la défaite de 1940 et de montrer la continuité " nationale " du
Parti de 1939 à 1944. Il justifiait le pacte germano-soviétique et en
venait même à caricaturer sous les traits de Patrice Orfilat, l'écrivain
Paul Nizan, " traître au Parti ". Le premier tome des
Communistes parut en 1949, cinq autres suivirent de 1949 à 1951.
Aragon interrompit en 1951 la publication des Communistes, si bien
que le roman s'achève en mai-juin 1940. Il en expliqua les raisons en
1966-1967 dans une importante post-face, lorsqu'il récrivit entièrement
Les Communistes pour l'édition de ses " Oeuvres croisées "
avec Elsa Triolet. En 1946, Aragon avait publié le premier tome de
L'Homme communiste, à la mémoire de Vaillant-Couturier, Gabriel
Péri, Jacques Decour ; en 1953, un second tome célébrait les nouveaux
héros du communisme, Jean-Richard Bloch, Jacques Duclos, Paul Eluard,
Maurice Thorez. L'influence d'Aragon dans ces années s'exprima
puissamment à travers journaux et revues. D'après Daix, à partir de 1948,
il dirigea en fait les Lettres françaises dont le directeur en
titre était Claude Morgan depuis 1942. Dans son livre autobiographique,
Les " Don Quichotte " et les autres..., celui-ci évoqua les
étapes par lesquelles le Parti était passé pour reprendre l'hebdomadaire :
éviction exigée par Laurent Casanova du poète Loys Masson comme rédacteur
en chef et son remplacement par Pierre Daix, proche d'Aragon ; enfin
remplacement de Claude Morgan lui-même par Aragon en 1953. L'arrivée
d'Aragon à la direction aurait coïncidé, selon Claude Morgan, avec
l'apparition de nouvelles directives dues à Maurice Thorez, encore à
Moscou, mais qui aurait recommandé de renouer avec la " politique
nationale " du Parti. Son prestige était également reconnu à la revue
Europe, aux Editeurs français réunis et surtout au Comité national
des Ecrivains. De nombreux témoignages, celui de Claude Roy (Moi je...,
Nous), Dominique Desanti (Les Staliniens), Simone Signoret
(La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était), Janine Bouissounouse
(La Nuit d'Autun) décrivent d'une plume parfois cruelle le
comportement du couple Aragon-Elsa au sein de ces assemblées et vis-à-vis
des intellectuels. La situation d'Aragon dans le Parti ne le mettait
pourtant pas à l'abri du sectarisme, ainsi qu'il ressort de l'affaire du
portrait de Staline par Pablo Picasso (un dessin représentant un Staline
jeune au caractère géorgien marqué) paru dans le numéro des Lettres
françaises (12 mars 1953) qui commémorait, de façon tout à fait
orthodoxe d'ailleurs, la mort du leader soviétique. Aragon dut publier,
dans le numéro suivant des Lettres françaises, le communiqué du
secrétariat du parti (paru dans l'Humanité du 18 mars)
désavouant catégoriquement le portrait. Les Lettres françaises du
26 mars publièrent de nombreuses lettres de militants scandalisés et
Aragon s'expliqua dans l'hebdomadaire le 4 avril. " Aragon, écrivit Pierre
Daix, avait d'abord été littéralement assommé par l'affaire du portrait de
Staline. Non seulement, il souffrait de la même solitude que Picasso, mais
elle l'atteignait davantage parce qu'il y mesurait le peu de poids auprès
du Parti de toutes ses années de fidélité absolue " (J'ai cru au
matin, p. 339). Ce ne fut qu'après le retour de Thorez qu'Aragon
apprit que celui-ci avait désavoué l'action de Le cœur et le communiqué du
secrétariat (d'après Pierre Daix, Aragon..., p. 375). A la veille du
retour de Thorez en France, l'Humanité du 8 avril 1953 avait publié
un poème d'Aragon (d'ailleurs rédigé six mois plus tôt) intitulé " Il
revient ". Les années qui précédèrent et suivirent la mort de Staline
furent des années particulièrement difficiles pour Aragon. Pierre Daix
fait dater de l'hiver 1952, moment où Aragon et Elsa étaient allés à
Moscou après le XIXe Congrès du PCUS, l'ébranlement d'Aragon vis-à-vis de
la réalité soviétique avec la perception physique de la " terreur ".
Cependant cela n'alla pas jusqu'à remettre en cause la personne même de
Staline ni le fonctionnement du régime soviétique. A la mort de Staline,
on l'a vu, Aragon joignit, mais à sa manière, sa voix à celle du Parti
tout entier. Il semble s'être dès lors particulièrement attaché au monde
des écrivains soviétiques. En décembre 1954, il assista au deuxième
congrès des Ecrivains soviétiques (son discours au congrès fut publié par
La Nouvelle Critique en février 1955). Il entreprit de faire connaître en
France les diverses littératures soviétiques, et non seulement la
littérature russe, en publiant maints romans soit aux éditeurs français
réunis, soit dans la collection qu'il dirigeait chez Gallimard. Il
consacra d'ailleurs une anthologie aux Littératures soviétiques
(1955) et il la fit suivre d'une Introduction à la littérature
soviétique (1956) où il gardait toujours le silence sur la répression
des écrivains sous l'ère stalinienne. On mesure l'ampleur des
contradictions dans lesquelles il se débattait à quelques faits marquants
des années 1956-1957. Au moment des remous suscités parmi les
intellectuels par l'affaire hongroise en 1956, Aragon resta du côté de
l'orthodoxie du Parti : il se solidarisa avec le Comité central et empêcha
que l'on blâmât l'action de l'URSS au sein du CNE mais il intervint en
tant que président du CNE pour obtenir la grâce de deux écrivains hongrois
condamnés à mort. Il reçut le prix Lénine de littérature à l'automne 1957
pour ses soixante ans mais, comme il l'a raconté lors de ses entretiens
avec Jean Ristat, il avait d'abord refusé ce prix, l'ancien prix Staline,
et c'est Maurice Thorez qui lui aurait conseillé, après avoir approuvé
cette manifestation d'opposition, d'accepter ce prix rebaptisé Prix Lénine
; le discours qu'Aragon publia lors de la remise du prix ne fut d'ailleurs
pas publié en Union soviétique et parut dans les Lettres
françaises. Un de ses plus beaux recueils de poèmes, Le Roman
inachevé publié en 1956, l'année du XXe congrès du PCUS, témoigne par
l'entrecroisement des mètres et la plainte quasi explicite qui monte des "
Pages lacérées " ou de " La nuit de Moscou ", de déchirements politiques
longtemps inexprimés. Dans la période qui suivit le XXe congrès, pendant
les années 1959-1960, Aragon, peu sensible aux luttes anticoloniales où
s'engageaient de nombreux intellectuels de gauche, se retrouva près de
Laurent Casanova qui essayait de gagner Thorez aux thèses de Khrouchtchev
sur la déstalinisation. En avril 1960, il donna à France nouvelle
un long article sur l'Ingénieur Bakhirevde Galina Nicolaeva qui
avait été publié en URSS grâce à Khrouchtchev et qu'il avait fait traduire
et publier en français ; dans cet article, Aragon prenait clairement parti
pour l'ouverture d'une discussion sur la période stalinienne. D'après
Philippe Robrieux, Aragon joua un rôle certain dans l'attribution du prix
Lénine de la Paix à Casanova ce qui allait contrarier Thorez. En
1960-1961, il rédigea la partie consacrée à l'histoire soviétique dans
l'Histoire parallèle de l'URSS et des USA, en s'en tenant à un point
de vue narratif. Sur le plan littéraire, il prenait ses distances avec le
réalisme socialiste. Déjà en 1954 au congrès d'Ivry, tout en rappelant la
nécessité d'un art de parti, il le défendait contre une interprétation
étroite et se prononçait en faveur d'un art national. En 1959, dans
J'abats mon jeu (recueil d'interviews et d'articles datés
principalement de 1957-1959), il s'élevait contre une conception
dogmatique du réalisme ; il le redira en 1962 à Prague. En 1963, il
préfaça le livre consacré à Picasso, Saint-John Perse et Kafka par Roger
Garaudy (auquel il était alors fort lié) : D'un réalisme sans
rivages. En mars 1966, le Comité central d'Argenteuil adopta une
résolution sur les problèmes idéologiques et culturels dont il avait été
en grande partie le rédacteur ; elle répudiait toute intervention du Parti
dans le domaine culturel et reconnaissait le droit à la libre création.
Aragon, après La Semaine Sainte (1958) qui connut un grand succès,
retrouva avec La mise à mort (1965), et Blanche ou l'oubli
(1967), les sources d'inspiration dont il s'était coupé depuis sa rupture
avec le surréalisme. Mais il les mettait en œuvre dans des romans dont la
lecture par les jeux de miroir qu'elle impose, en dit long sur la
difficulté de " comprendre " ce que dit Aragon. Finalement il entraîna le
PCF dans la dénonciation du verdict rendu à Moscou au terme du procès
intenté aux écrivains Siniavski et Daniel. L'Humanité publia le 16
janvier 1966 une déclaration de protestation signée de lui : " C'est
faire du délit d'opinion un crime d'opinion, c'est créer un précédent plus
nuisible à l'intérêt du socialisme que ne pouvaient l'être les œuvres de
Siniavski et Daniel ". C'était la première fois qu'un membre
important du Parti français critiquait publiquement une décision
soviétique. En mai 1968, à Paris, il fut le seul membre du CC à oser
rencontrer les étudiants, place de la Sorbonne, le 9 mai (Lettres
françaises, 13-14 mai). Il n'y avait pas là que bravade, mais désir de
retrouver sa propre jeunesse. Au reste, le numéro des Lettres
consacré en mai à la révolte étudiante fut commandé et organisé par Aragon
lui-même avant que le Bureau Politique du Parti ait pris position et alors
que l'Humanité critiquait vivement les manifestations étudiantes.
Cette même année, il ouvrait les Lettres aux artisans du printemps
de Prague. Après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes
soviétiques le 21 août 1968, il fit publier dans l'hebdomadaire un
communiqué du CNE : " Nous vivons avec nos amis tchécoslovaques tous les
instants angoissants de leur lutte courageuse contre l'envahisseur et
contre toute tentative de priver leur pays de la liberté d'expression sous
toutes ses formes, au premier chef, de cet élément essentiel de la
démocratie, une entière liberté de la presse ". Après que la
Literatournaïa Gazeta s'en fut pris à ce communiqué, Aragon
répondit le 11 septembre par un article, " J'appelle un chat un chat ",
signé " Aragon, Prix Lénine international de la paix pour 1958 ".
Préfaçant en 1968 l'édition française du roman de Milan Kundera, La
plaisanterie, il dénonçait : " Cette voix de mensonge qui prétend
parler au nom de ce qui fut un demi-siècle l'espoir de l'humanité. Par les
armes et le vocabulaire. O mes amis, est-ce que tout est perdu ? ". Il
écrivait aussi : " Je me refuse à croire qu'il se va faire là-bas un
Biafra de l'esprit. Je ne vois pourtant aucune clarté au bout de ce chemin
de violence " (texte paru dans les Lettres françaises du 9
octobre). Il publiait en février 1969 deux articles sur L'Aveu
d'Arthur London. Peu de temps avant, en janvier 1969, les Lettres
françaises étaient informées que leurs abonnements soviétiques étaient
annulés. En octobre 1969, Aragon stigmatisait dans les Lettres
françaises l'instauration de la délation systématique en
Tchécoslovaquie (" D'un questionnaire ", 8-14 octobre
1969) ; et, en 1971, il dénonça le climat politique qui régnait,
notamment à l'occasion du suicide du fils de Vitezslav Nezval, poète
tchèque, ancien surréaliste, ce qui valut à ce numéro de l'hebdomadaire
d'être exclu par la direction du PCF de la vente du livre marxiste où
figuraient les représentants de nombreux PC étrangers. En octobre 1972,
l'hebdomadaire publiait son dernier numéro ; sous le titre La valse des
adieux, Aragon s'y exprimait ainsi : " (...) cette vie dont je sais si
bien le goût amer qu'elle m'a laissé, cette vie à la fin des fins qu'on ne
m'en casse plus les oreilles, qu'on ne me raconte plus combien elle a été
magnifique, qu'on ne me bassine plus de ma légende. Cette vie comme un jeu
pénible où j'ai perdu. Que j'ai gâchée de fond en comble " (n° 1455
du 11 au 17 octobre 1972). Que traduisent ces paroles de désillusion ? Un
bilan amer de plus de quarante ans de vie militante ? Il est vrai que sans
cesser d'appartenir au Parti, Aragon prit une demi-retraite politique. Les
autorités soviétiques lui décernèrent cependant pour son 75e anniversaire
la médaille de la Révolution d'Octobre et le décorèrent de l'Ordre de
l'amitié des peuples pour son 80e anniversaire. Aragon continua
d'ailleurs d'apparaître comme membre du Comité central aux congrès du
Parti, notamment au XXIIe congrès en février 1976. Il s'occupa de la
publication de ses OEuvres Croisées avec Elsa Triolet, entreprise
depuis 1964, à rassembler et à établir son œuvre poétique complète dont la
publication commença en 1974 au Livre-Club Diderot. Il est difficile
d'évaluer la place exacte d'Aragon dans le PCF, le rôle qui lui a été
assigné et celui qu'il a joué. Entré au Parti à un moment difficile pour
les intellectuels en 1926, Aragon a dû à Maurice Thorez de pouvoir trouver
au sein du Parti, une place comme créateur et comme militant. Dans les
années qui précédèrent le Front populaire, Aragon trouva sa voie comme
intellectuel de Parti en se voyant reconnaître un rôle dans
l' " organisation " des intellectuels : il apparut ainsi, à
partir de 1933-1935, comme un des représentants du Parti en direction des
intellectuels. Il reprit ce rôle, après la Libération, auréolé du
prestige que lui donnait sa qualité de " poète national ", et l'exerça au
sein d'organismes comme le CNE ou à travers des périodiques comme les
Lettres françaises. Son influence crût au tournant des années
cinquante, au moment où s'affirmait l'idéologie de guerre froide.
Cependant, bien qu'Aragon eût son " champ réservé ", il ne s'est jamais vu
reconnaître officiellement la responsabilité du secteur des intellectuels
au sein du Parti. L'ambiguïté de sa position historique dans le Parti
vient de ce qu'il y fut à la fois un des hérauts du stalinisme à partir
des années trente, un des artisans de sa " jdanovisation "
intellectuelle dans les années cinquante, et en même temps un des agents
de la libéralisation interne du PC après 1956 et dans les années soixante.
De par la variété des rôles qu'il a joués, l'homme n'est pas facile à
saisir, d'autant plus qu'il s'est ingénié à se cacher derrière des
masques, qu'il s'est plu à parsemer son œuvre poétique et romanesque, à
partir de 1954, de nombreuses allusions aux déchirements de sa vie
militante. C'est peut-être sur le plan des relations d'Aragon avec l'URSS
que le plus de problèmes se posent. Grâce aux relations personnelles qu'il
avait en URSS avec la famille et les amis de Lili Brik, il a toujours su
beaucoup de choses et cela dès 1938. Pourtant il ne mit jamais en cause en
son temps le système stalinien et garda le silence sur la répression
notamment parmi les intellectuels. Ultérieurement, lors de ses entretiens
télévisés avec Jean Ristat, Aragon ne put se résoudre à se remettre en
question comme intellectuel stalinien et laissait entendre que le rôle de
l'URSS dans la victoire sur le nazisme l'avait empêché de critiquer le
système. Parlant de ses relations récentes avec l'URSS, il défendit le
parti qu'il avait choisi d'intervenir silencieusement auprès des autorités
soviétiques en faveur de certains condamnés comme le cinéaste Paradjanov.
En janvier 1980, il signa " l'Appel des 75 " (L'Humanité du 15
janvier) qui s'opposait à la campagne anticommuniste à la suite de
l'intervention soviétique en Afghanistan. Ainsi jusqu'au bout, Aragon
voulut-il témoigner comme intellectuel communiste. Quel que soit le
jugement que l'on porte sur son rôle militant, on ne peut que souligner la
remarquable constance de son attitude, la fidélité qu'il a gardée à la
ligne officielle du Parti. Son œuvre fait entrevoir que cette fidélité
n'alla pas sans déchirements intimes. Mais comme l'indique le titre du
recueil qu'il a publié en 1980, Le Mentir-Vrai, Aragon a passé sa
vie à brouiller ses propres pistes. Sa vie militante pour laquelle il a
été si sévèrement jugé, laisse ouverte, dans son rapport à l' œuvre et en
elle-même plus d'une interrogation. Par un legs fait à Paris le 22
juin 1976, Louis Aragon " remet à la nation française, quelle que
soit la forme de son gouvernement, le legs littéraire d'Elsa Triolet et
l'ensemble des manuscrits et documents en sa possession qui appartiendront
au Centre national de la recherche scientifique. Il en confie la
conservation et l'exploitation scientifique au Centre d'histoire et
d'analyse des manuscrits moderne du CNRS. " Il avait désigné comme
exécuteur testamentaire, sous le vocable de " prolongateur ",
son ami le poète Jean Ristat. Légué à l'Etat par Aragon, le Moulin de
Villeneuve (Saint-Arnoult-en-Yvelines) devint propriété nationale en 1985.
Inauguré le 15 octobre 1994, il abrite le Centre de recherche et de
création Elsa Triolet-Louis Aragon.
OEUVRE
CHOISIE : Feu de joie, Au Sans Pareil, 1920, 51 p.
Anicet ou le panorama, Gallimard, 1921, 199 p. Le
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poèmes 1920-1924, id. 1926, 97 p. Le Paysan de Paris, id. 1926, 255
p. Traité du Style, id. 1928, 237 p. La grande gaieté, id.
1929, 123 p. Persécuté, persécuteur, Editions Surréalistes, 1931,
87 p. Eclairez votre religion. Aux enfants rouges,
Publication de la Libre pensée révolutionnaire de France, Bureau
d'édition, 1932, 19 p. Hourra l'Oural, Denoël, 1934, 153 p. Les
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Crime contre l'esprit par le Témoin des martyrs, 1re édition intégrale
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p. La Défense de l'infini , édité par Edouard Ruiz, Messidor, 1996.
On se reportera aussi à Louis Aragon et Elsa Triolet aux OEuvres
romanesques croisées , Paris, Robert Laffont, 1964-1974, 42 vol. ;
Aragon, œuvre poétique 1917-1979, Livre-Club Diderot, 1974-1981 ; 2e
édition, 1989-1990 Aragon Œuvres romanesques complètes 1. Daniel Bougnoux,
Philippe Forest (éd.), Gallimard, 1997. La Pléiade. Aragon, Chroniques
1918-1932. I Edition établie par Bernard Leuilliot, Stock, 1998 " Le
temps traversé ", Louis Aragon-Jean Paulhan, Elsa Triolet, Correspondance
1920-1964, Gallimard, 1994. Lettres à Denise, Lettres nouvelles -
Maurice Nadeau, 1994. Parmi les articles d'Aragon parus dans les
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Wallard, Aragon , Editions Cercle d'Art, 1979, 142 photographies.
Album Aragon. Iconographie choisie et commentée par Jean Ristat.
bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1997. Carole Reynaud Paligot,
Parcours politique des surréalistes 1919-1969 , Paris, CNRS
Editions, 1995 Joë Nordmann, Anne Brunel, Aux vents de l'histoire.
Mémoires. , Paris, Actes Sud, 1996 Les engagements d'Aragon.
sous la direction de Jacques Girault et Bernard Lecherbonnier, Paris,
L'Harmattan, 1997 Jean Albertini, Non, Aragon n'est pas un écrivain
engagé ! Edition Paroles d'Aube, 1998.
FILMOGRAPHIE :
Aragon, le pouvoir magique des mots , 1993, 110 mm, réalisé par
Marcel Teulades.
Nicole
Racine

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